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Des électrons indiscernables à la demande

La dualité onde-corpuscule se manifeste de manière spectaculaire dans le transport électronique dans les conducteurs de petite dimension à très basse température. Les effets d’interférences, caractéristiques d’une description ondulatoire, gouvernent le courant qui traverse un conducteur. Les fluctuations de ce courant sont en revanche associées à la granularité de la charge électrique, liée au caractère corpusculaire des électrons.

L’expérience réalisée au Laboratoire Pierre Aigrain, en collaboration avec des chercheurs du Laboratoire de Photonique et de Nanostructures et de l’Ecole Normale Supérieure de Lyon, échappe à la fois à la description ondulatoire et à la description corpusculaire. L’ingrédient essentiel de cette expérience est une lame séparatrice électronique, comprenant deux voies d’entrée et deux voies de sortie. Lorsqu’un unique électron est envoyé sur l’un des bras d’entrée, l’autre restant vide, il émerge aléatoirement dans l’un ou l’autre des bras de sortie. Dans l’expérience réalisée, deux électrons, générés par deux sources identiques, indépendantes et synchronisées arrivent simultanément sur les deux bras d’entrée de la séparatrice. Des corpuscules classiques auraient une chance sur deux d’emprunter deux voies de sorties distinctes. Les deux électrons, au contraire, ont tendance à s’éviter et à émerger plus souvent dans deux bras distincts.

Cet effet, appelé anti-groupement des électrons, ne peut être expliqué que par la mécanique quantique. Il s’agit d’un effet d’interférences quantiques à deux particules, relié à leur indiscernabilité. Pour les fermions, et donc en particulier les électrons, il conduit à l’anti-groupement total de deux particules parfaitement indiscernables. Pour les bosons au contraire, il conduit au groupement des particules qui émergeraient toujours sur une même voie de sortie de la séparatrice comme cela a été démontré pour les photons en 1987 par Hong, Ou et Mandel.

Au-delà de son intérêt fondamental, cette expérience démontre la possibilité de générer à la demande, dans la matière, deux électrons indiscernables au moyen de deux émetteurs indépendants. Elle permet d’envisager de coder et de traiter de l’information quantique sur les degrés de liberté des électrons itinérants comme on le fait pour les photons dans les fibres optiques.

Le gaz d’électron bidimensionnel est représenté en vert. Les sources d’électrons uniques, situées aux extrémités gauche et droite de la figure, sont constituée d’un ilot du gaz d’électron de taille submicronique appelé boite quantique. Les électrodes métalliques de couleur or déposées au dessus de chaque émetteur permettent de déclencher l’émission d’un électron depuis la boite quantique. Les électrons émis par chaque source, représentés par un paquet d’onde se propagent alors le long du bord de l’échantillon vers une lame séparatrice électronique constituée des deux électrodes or au centre de la figure. Lorsqu’un électron parvient sur la lame (l’autre entrée restant vide), il ressort aléatoirement dans l’une des deux sorties. La figure représente le cas de parfaite synchronisation entre les sources, les électrons émis par chaque émetteur parviennent simultanément sur la lame séparatrice. L’effet d’interférences à deux particules se manifeste alors par la sortie systématique des deux électrons dans deux bras de sortie distincts de la lame séparatrice.
Crédits : D. Darson, Laboratoire Pierre Aigrain, Ecole Normale Supérieure, Paris.

“Coherence and Indistinguishability of Single Electrons Emitted by Independent Sources”, E. Bocquillon, V. Freulon, J.-M Berroir, P. Degiovanni, B. Plaçais, A. Cavanna, Y. Jin, G. Fève.
Science, DOI: 10.1126/science.1232572

Gwendal Fève tel 01 44 32 25 79
Jean-Marc Berroir tel 01 44 32 25 90
Bernard Plaçais, tel 01 44 32 34 56